Maîtriser les négociations B2B : le regard d’un expert en achats
In the complex world of business-to-business transactions, negotiation skills can make the difference between a mediocre deal and a transformative partnership
Dans le monde complexe des transactions interentreprises, les compétences en négociation peuvent faire la différence entre un accord médiocre et un partenariat transformateur. Milena Reyes, responsable achats avec près de huit ans d’expérience au sein de géants pharmaceutiques, de cabinets de conseil et d’entreprises technologiques comme Leboncoin, partage ses enseignements durement acquis sur l’art et la science des négociations B2B dans cette conversation avec l’expert en vente Maxime, dans le podcast Aux Commandes.
La réalité de l’apprentissage de la négociation
Au-delà de la théorie des écoles de commerce
Si de nombreux professionnels arrivent dans les achats avec un diplôme de grande école, Reyes insiste sur le fait que la véritable expertise en négociation vient de la pratique, pas des manuels.
« Je ne pense pas avoir appris la négociation à l’école, explique-t-elle. J’y ai appris des théories, du vocabulaire, des concepts, mais ça ne fait pas de vous un bon négociateur. »
Chaque négociation est unique, influencée par une infinité de variables :
la personnalité et le style de votre interlocuteur,
le moment et le contexte du deal,
la nature des produits ou services,
les rapports de force entre les organisations.
Un apprentissage par compagnonnage
Reyes attribue une grande partie de son développement en négociation à ses mentors, notamment Eric Bourgeois chez Leboncoin. Cette approche pragmatique reposait sur :
une pratique intensive avec de vrais enjeux,
un feedback immédiat après chaque échange,
des jeux de rôle pour s’entraîner à divers scénarios,
une analyse post-négociation pour progresser en continu.
Les fondamentaux essentiels de la négociation
1. La préparation est non négociable
Le socle du succès repose sur une préparation minutieuse. Selon Reyes, il faut :
Définir clairement ses objectifs : savoir ce que l’on veut, ses alternatives acceptables et son point de rupture.
Anticiper plusieurs scénarios selon les réponses possibles de l’autre partie.
Étudier son interlocuteur : ses contraintes, ses motivations, ses points de négociation probables, et les terrains d’entente potentiels.
Préparer son équipe : en définissant les rôles et en maîtrisant l’information.
« L’information est de l’or, il faut la partager avec parcimonie. »
2. Choisir la bonne stratégie de communication
Un conseil clé de Reyes : décrocher le téléphone.
« La négociation par e-mail ne fonctionne pas, il est trop facile de dire non. Par téléphone, c’est plus compliqué. »
La voix permet d’obtenir des réponses immédiates, de percevoir le ton et de créer des solutions en temps réel.
3. L’écoute active comme avantage compétitif
Beaucoup se concentrent sur ce qu’ils vont dire, mais Reyes insiste : écouter apporte plus de valeur. Cela permet de :
recueillir des informations sur les priorités de l’autre,
détecter des opportunités inattendues,
instaurer du respect et de meilleures relations.
4. Maîtriser ses émotions et garder de la distance
Reyes applique le principe toltèque « ne rien prendre personnellement ».
Un contrôle émotionnel évite d’être déstabilisé, de révéler ses faiblesses, et permet une analyse stratégique plus claire.
Elle décrit aussi l’usage de « personnages » selon les contextes : une adaptation stratégique du style de communication.
La réalité du prix en première ligne
Reyes est lucide :
« Je ne vais pas mentir, la première chose que je regarde, c’est le prix. »
Mais au-delà du coût, l’évaluation intègre aussi :
la qualité de service,
la fiabilité et les délais de livraison,
les conditions contractuelles et de paiement,
le potentiel de partenariat à long terme,
les services à valeur ajoutée.
Gérer les relations internes
Le défi pédagogique
Lorsqu’elle rejoint Leboncoin, la fonction achats était toute récente. Elle a dû démontrer sa valeur en :
prouvant des économies concrètes,
facilitant de meilleurs résultats business,
apportant des services supplémentaires sans surcoût,
réduisant la charge administrative des équipes.
Intégration en amont
Elle recommande d’être impliquée dès les premières discussions avec les fournisseurs afin d’apporter de la valeur avant même les négociations.
Former les équipes internes
Consciente que tous les achats ne passent pas par son service, elle a mis en place des formations pratiques à la négociation : jeux de rôle, cas concrets, formats courts et adaptés aux emplois du temps serrés.
Vers des stratégies de négociation avancées
Partenariat plutôt que transaction
Avec les fournisseurs stratégiques, Reyes favorise une approche collaborative :
points réguliers et discussions de performance,
communication quotidienne,
résolution conjointe des problèmes,
planification stratégique partagée.
Étendre le champ des variables
Quand le prix atteint ses limites, d’autres leviers entrent en jeu :
conditions de paiement,
durée contractuelle,
opportunités de cross-selling,
partenariats marketing.
Négociations à forts enjeux
Avec des fournisseurs critiques et peu d’alternatives :
préparation renforcée,
implication des décideurs seniors,
cycles de négociation plus longs,
recherche de valeur mutuelle plutôt qu’un rapport de force pur.
Les clés de la réussite en B2B
L’expérience de Reyes illustre plusieurs principes universels :
La préparation prime sur le talent naturel : comprendre ses objectifs et son interlocuteur.
La relation compte plus que la transaction : privilégier les partenariats durables.
Le canal de communication influence l’issue : préférer l’oral à l’écrit.
L’intelligence émotionnelle est un atout stratégique : gérer ses réactions et lire celles des autres.
Créer de la valeur vaut mieux qu’une bataille de prix : trouver des solutions gagnant-gagnant.
« La Milena d’il y a cinq ans ne négociait pas comme celle d’aujourd’hui », conclut-elle.
Une mentalité de croissance et un apprentissage continu forment ainsi la base du succès dans l’univers complexe des négociations B2B.